Peintures lyonnaises

Cette série de peintures met en scène Lyon, notre cité deux fois millénaire qui fut créée le 10 octobre de l’an 43 avant J.-C, par un Romain dénommé Lucius Munatius Plancus, lieutenant de Jules César et proconsul de la Gaule chevelue. Le sénat de Rome lui avait ordonné de créer une colonie en Gaule. Arrivé sur une colline dominant le confluent entre deux majestueux cours d’eau qui se réunissent pour former un large fleuve, il décida que c’était là que tout se passerait. Et il eut bien raison ! Voici une petite sélection parmi les nombreux tableaux appartenant à ce cycle, accompagnés de textes explicatifs qui racontent le quotidien de notre ville un peu plus de deux mille ans plus tard.

Peintures lyonnaises de Jean-Philippe Guigou

LA MADONE DES VORACES
Peinture vinylique sur carton entoilé – 65x54cm

Chaque matin, Marie, l’héroïne de ce cycle de peintures lyonnaises, emprunte la traboule de la Cour des Voraces pour se rendre à son travail. Chaque soir, elle l’utilise à nouveau pour redescendre chez elle. La traboule passe sous un immeuble gigantesque doté d’un colossal escalier de façade pour arriver sur la Place Colbert. Elle travaille comme chef de projets dans un bureau d’études spécialisé dans la rénovation d’immeubles anciens et de monuments historiques. Entre midi et demi et quatorze heures, Marie aime aller déjeuner avec ses collègues dans un chaleureux café situé un peu plus haut, sur le plateau. On y sert la riche et abondante cuisine traditionnelle lyonnaise dans une ambiance aussi bruyante que festive. C’est là que les habitués lui ont donné le surnom de « Madone des Voraces ». Ici, les quenelles de brochet, le bœuf au Saint-Marcellin ou l’andouillette à la moutarde ne lui résistent jamais bien longtemps, pas plus que le petit Côtes du Rhône qui les accompagne, servi dans le traditionnel pot de vin typique de Lyon. Au dix-neuvième siècle, cette traditionnelle bouteille de verre à fond épais fit même l’objet d’une révolte des « Voraces », une association de canuts de la Croix-Rousse, qui protestèrent contre la réduction de sa contenance brutalement fixée par décret à quarante-six centilitres.

Peintures lyonnaises de Jean-Philippe Guigou

LE BOUCHER DE LA COLLINE
Peinture vinylique sur carton entoilé – 65x54cm

Le père de la Madone des Voraces est boucher à la Croix-Rousse, « la colline qui travaille » comme on l’appelle souvent à Lyon, qui s’élève au nord de la ville, au dessus de la presqu’île. Ici, autrefois, les ouvriers de la soie qu’on appelle les canuts passaient des journées entières inlassablement vissés sur leurs métiers à tisser. Le boucher de la colline est un homme jovial qui découpe, démantèle, démembre et distribue aux habitants et aux restaurants du quartier une viande savoureuse qui provient directement des élevages des monts et vallons du lyonnais, à quelques kilomètres seulement à l’ouest de Lyon. Il manie ses lames avec l’adresse et la dextérité d’un lanceur de couteaux. Le boucher de la colline a repris le commerce familial à la mort de son père qui, déjà, avait succédé à son propre père. Aujourd’hui, depuis sa boucherie, il peut admirer chaque jour la colline de Fourvière, « la colline qui prie » avec ses bâtiments ecclésiastiques et son impressionnante basilique qui domine Lyon, et un peu plus loin, les douces montagnes d’où proviennent les animaux qu’il découpe avec tant de passion.

Peintures lyonnaises de Jean-Philippe Guigou

LA MYTHIQUE RESTAURATION LYONNAISE
Peinture vinylique sur carton entoilé – 65x54cm

Généralement, à midi, Marie vient déjeuner dans un petit restaurant en terrasse qui domine Lyon. Le plateau de la Croix-Rousse, sous le soleil, évoque les chaudes couleurs du Portugal ou d’autres pays du sud. Dans le quartier, tout le monde connaît l’appétit féroce de la Madone des Voraces. Si elle choisit une assiette de grenouilles au beurre persillé, elle l’accompagne d’une copieuse salade lyonnaise garnie d’un œuf poché et inondée de petits lardons grillés. Elle partage toujours un pot de Côtes et la bonne humeur qui accompagne son formidable coup de fourchette avec un collègue ou un ami déjeunant au même endroit. Aujourd’hui, avec un enthousiasme qui force le respect, Marie attaque une côte d’agneau accompagnée de pommes de terre patiemment sautées au beurre alors que le serveur lui apporte une petite salade pour alléger le tout. Ce repas lui fait immédiatement oublier les tracas administratifs qui l’attendent dans l’après-midi à son bureau où elle constitue un dossier de demande de rénovation pour l’Amphithéâtre des Trois Gaules. C’est le miracle qu’offrent quotidiennement des centaines de petits restaurants de la capitale mondiale de la gastronomie à ses heureux habitants épanouis.

Peintures lyonnaises de Jean-Philippe Guigou

LA CUISINIERE ET LE BROCHET
Peinture vinylique sur carton entoilé – 60x50cm

Du haut de sa colline, la grand-mère de Marie fabrique les meilleures quenelles de brochet de la capitale des Gaules. Ce poisson carnassier des étangs, des rivières et des lacs, est en effet l’un des rois de la gastronomie lyonnaise. Cette vieille dame a beau avoir connu une guerre mondiale, deux chocs pétroliers et d’innombrables crises économiques, rien n’a jamais affecté la qualité de ses quenelles. À l’automne, la vieille dame se rend dans les dombes, à quelques kilomètres seulement au nord-est de Lyon. Cette vaste région plate est constellée de milliers d’étangs de toutes tailles, entourés de roseaux et peuplés de canards, de hérons et bien sûr de brochets. Les vannes situées sur les digues sont alors ouvertes et les étangs se vident. Les poissons sont récupérés et sont ensuite recueillis et répartis par espèce dans des bacs. Au mépris du risque et avec un savoir-faire unique, la vieille dame n’hésite jamais à plonger ses mains osseuses dans les bacs grouillants de brochets aux dents acérées pour en extraire les plus belles pièces en les attrapant vigoureusement par les branchies.

Peintures lyonnaises de Jean-Philippe Guigou

LA DOUCE VIE LYONNAISE
Peinture vinylique sur carton entoilé – 65x54cm

Marie adore les grands classiques du cinéma italien. Lyon étant la ville où le cinéma est né, de nombreux films de patrimoine sont projetés dans des salles de très grande qualité. Marie est allée voir la copie numérique et restaurée d’un grand classique italien qui avait autrefois remporté une Palme d’or au Festival de Cannes. Le cinéma se trouve non loin de la Place des Terreaux. Soudain, l’envie lui prend de revivre la scène la plus culte du film qu’elle vient de voir. Elle se dirige vers l’autre côté de la place et entre toute habillée dans la plus monumentale fontaine de Lyon, créée par le sculpteur Auguste Bartholdi, à qui l’on doit également la célèbre Statue de la Liberté située sur Liberty Island, au sud de Manhattan. La canicule étant devenue insupportable, l’eau de la fontaine, crachée de toutes parts, sortant vaporisée par les naseaux des chevaux furieux, lui apporte un sentiment de fraîcheur. Les badauds et touristes en vadrouille sur la place la regardent stupéfaits. La plupart s’approchent de la fontaine et sortent leurs téléphones portables pour filmer cette scène de la dolce vita lyonnaise, la douce vie de la capitale des Gaules.

Peintures lyonnaises de Jean-Philippe Guigou

LE VIGNERON DES COTEAUX
Peinture vinylique sur carton entoilé – 65x54cm

Pépète, dont le vrai prénom est Joseph, est vigneron sur les coteaux de l’ouest lyonnais. Il manie le sécateur avec la précision d’un grand couturier un soir de défilé. Levé chaque matin de bonne heure, il travaille avec amour et produit en petite quantité un vin de grande qualité qu’il vend dans un magasin de producteurs qui propose également les fromages, les œufs, la viande et le lait des fermes des alentours. Lyon est entourée de vignobles de toutes parts : le Beaujolais, au nord, les Côtes du Rhône au sud, les vins du Bugey à l’est et les Coteaux du Lyonnais à l’ouest. Certains de ces vignobles commencent aux portes de Lyon. Depuis les hauteurs de l’ouest lyonnais, en regardant vers l’est, on peut admirer une vue extraordinaire laissant apparaître la capitale des Gaules sous un aspect inédit, le sommet des gratte-ciel de la Part-Dieu émergeant tout juste au-dessus de la colline de Fourvière. Au loin, les vapeurs s’échappant de la centrale nucléaire du Bugey se mêlent aux nuages. Par beau temps, le mont Blanc, du haut de ses 4807 mètres, domine le paysage. Les vins produits dans cette merveilleuse région ensoleillée sont servis en abondance dans les nombreux bouchons de la vieille ville. Ils sont consommés en pots, ces célèbres bouteilles lyonnaises au fond épais qui contiennent toujours leurs quarante six centilitres de ces vins enchanteurs.

Peintures lyonnaises de Jean-Philippe Guigou

ENTRETENONS LA CULTURE DU FUTUR
Peinture vinylique sur carton entoilé – 65x54cm

Marie intervient souvent sur des chantiers de rénovation. Ici, elle travaille place Charles de Gaulle, un espace qui s’ouvre devant l’auditorium de Lyon et que ferment quelques marches en demi cercle sur le mode des théâtres antiques de Fourvière. L’auditorium a été bâti en 1975. Il est doté d’une spectaculaire façade avant-gardiste. Juste à côté de ce bâtiment se dresse la première grande tour de Lyon, bâtie au même moment et surnommée ‘’le crayon’’ en raison de sa forme originale. Ensemble ils incarnent cette vision du futur si particulière qui dominait à Lyon pendant les trépidantes années soixante-dix. Aujourd’hui ces ouvrages de béton ont un peu vieilli et nécessitent des travaux d’entretien périodiques. Son bureau d’études l’a envoyée sur place pour superviser des travaux de rénovation qui font face à l’auditorium. Un chef de chantier est subitement tombé malade et Marie, passionnée par cet aspect de son travail, enfile un bleu de travail et commence à faire le nécessaire afin d’accélérer les travaux qui, sinon, menacent de dépasser les délais impartis.

Peintures lyonnaises de Jean-Philippe Guigou

L’IVROGNE
Peinture vinylique sur carton entoilé – 50x40cm

Un vieil homme au teint rougeaud rôde souvent dans le quartier. Son ivrognerie est notoire. S’il lui arrive parfois, de sa voix forte aux harmoniques puissantes, d’invectiver les quelques vaillants représentants de la maréchaussée qui se promènent débonnaires dans le quartier, il n’importune jamais personne de manière gratuite et, à vrai dire, il est assez apprécié par les résidents et par les habitués. Lyon traîne souvent une réputation de ville froide, fermée et inamicale. Pourtant, ici, chacun apprécie sa contribution à l’ambiance du quartier. Lorsque la générosité populaire l’enrichit un peu plus que de coutume, il se rend sans délai à la petite épicerie du coin dont le gérant a noué avec lui une véritable amitié. Il en ressort invariablement avec une très coûteuse bouteille de whisky tourbé d’Islay en provenance directe d’une des distilleries les plus renommées d’Écosse, célébrée dans le monde entier, sa préférée. Nombreux sont ceux qui se sont demandés quelle était l’origine de cette passion, inventant des légendes invraisemblables qui contribuent surtout à animer les nombreuses conversations des habitants du quartier.

Peintures lyonnaises de Jean-Philippe Guigou

LA MADONE DANS L’ARENE
Peinture vinylique sur carton entoilé – 65x54cm

Il y a deux millénaires, 20000 spectateurs assoiffés de sang, de cris et de larmes remplissaient les gradins de l’amphithéâtre des Trois Gaules, sur la colline de la Croix-Rousse, pour assister à la mise à mort des chrétiens, dévorés par des bêtes affamées. Marie désire constituer un dossier proposant une rénovation de ce monument romain. Munie des autorisations nécessaires, elle entre dans ce lieu normalement fermé au public. Descendant dans l’arène, elle s’approche du poteau qui trône au centre de l’amphithéâtre, là où les martyrs étaient attachés et livrés aux pires sévices. À ce moment précis, elle voit surgir un pitbull monstrueux dont le maître, imprudent ou inconscient, vient de décrocher la laisse et qui s’engouffre immédiatement dans le parc. La bête se rue dans l’arène, hurlant comme un fauve. Marie reste immobile, tétanisée par la peur. L’individu, depuis la rue, essaye en vain de rappeler son affreux molosse. Elle ressent instantanément la terreur qu’avaient pu éprouver les premiers chrétiens au moment de l’entrée des bêtes sauvages dans l’arène. Le pitbull se précipite sur elle. Seul un mouvement sur le côté empêche au dernier moment le fauve de la mordre vigoureusement. Ses crocs se contentent de son t-shirt qu’il déchire avec fureur.

Peintures lyonnaises de Jean-Philippe Guigou

L’ASTRONOME
Peinture vinylique sur carton entoilé – 65x54cm

Sarah est une passionnée. Elle profite régulièrement des soirées organisées à l’Observatoire de Lyon qui mettent à disposition du public les puissants équipements cachés sous les dômes. Elle aime particulièrement discuter des nuits entières avec les nombreux amateurs qui apportent souvent leurs propres télescopes dans ce lieu ou règnent le calme et l’obscurité. L’Observatoire de Lyon est situé à quelques kilomètres seulement, au sud-ouest de la ville, sur la commune de St Genis Laval, au sommet d’une colline boisée entourée de champs, éloignée de toute habitation. Les deux plus grands dômes de l’observatoire sont équipés de gigantesques appareils qui scrutent le ciel dès la nuit tombée. Le plus grand des deux est équipé d’un miroir d’un mètre de diamètre. Un télescope coudé permet également d’observer le soleil. Malheureusement, depuis plusieurs années, à cause d’un urbanisme en constante progression, la pollution lumineuse due à l’agglomération lyonnaise nuit quelque peu à la qualité des observations. Pourtant, l’Observatoire de Lyon reste un lieu de recherche de premier plan collaborant aux plus importants projets spatiaux internationaux.

Peintures lyonnaises de Jean-Philippe Guigou

LES LUMIERES DE LA VILLE
Peinture vinylique sur carton entoilé – 65x54cm

Chaque année, le 8 décembre, Marie installe des lumignons à ses fenêtres à l’occasion de la fête des lumières, une fête traditionnelle née en 1852 pour l’inauguration de la statue de la Vierge sur le clocher de la chapelle de Fourvière. Elle apprécie tout particulièrement l’immense écriture lumineuse qui clame « Merci Marie » du haut de la colline de Fourvière, un peu comme si toute la ville la remerciait elle, la Madone des Voraces, comme on l’appelle affectueusement dans son quartier. Une fois rentrée chez elle, le soir venu, Marie prépare les lumignons en insérant des petites bougies rondes dans des pots de yaourt en verre. Puis elle ouvre sa fenêtre laissant un froid glacial envahir la pièce. Le vent rend difficile l’allumage des lumignons mais ensuite, les flammes bougent à peine, protégées par les pots de verre. L’un après l’autre, elle les pose en ligne sur le bord de sa fenêtre. En face d’elle, des voisins font la même opération sur leur balcon ou sur le bord de leur fenêtre, ignorant délibérément les coûteuses illuminations réalisées par la mairie pour plaire aux touristes. Peu à peu la ville entière s’illumine de millions de petites flammes qui la font respirer comme une gigantesque créature tapie dans la nuit.